Amélioration de la connaissance de l’exposition du bâti marocain aux inondations
(1) Thomas Esch - German Remote Sensing Data Center (DFD) of the German Aerospace Center (DLR), Oberpfaffenhofen, D-82234 Weßling, Germany
(2) Mattia Marconcini - German Remote Sensing Data Center (DFD) of the German Aerospace Center (DLR), Oberpfaffenhofen, D-82234 Weßling, Germany
(3) Miguel A. Belenguer-Plomer - Indra Sistemas S.A., Ctra. Loeches, 9, 28850, Torrejón de Ardoz , Madrid, Spain
(4) Alberto Lorenzo - Indra Sistemas S.A., Ctra. Loeches, 9, 28850, Torrejón de Ardoz , Madrid, Spain
(5) Abderrahim Chaffai - Fonds de solidarité contre les événements catastrophiques (FSEC), RDC, Immeuble D, Résidence Sun City, rue Al Bourtoukal, Rabat, Morocco
(6) Abderrahim Oulidi - Fonds de solidarité contre les événements catastrophiques (FSEC), RDC, Immeuble D, Résidence Sun City, rue Al Bourtoukal, Rabat, Morocco
(7) Noureddine Filali - Fonds de solidarité contre les événements catastrophiques (FSEC), RDC, Immeuble D, Résidence Sun City, rue Al Bourtoukal, Rabat, Morocco
(8) Ahmed Reda Hadji - Fonds de solidarité contre les événements catastrophiques (FSEC), RDC, Immeuble D, Résidence Sun City, rue Al Bourtoukal, Rabat, Morocco
(9) Reda Aboutajdine - The World Bank, Washington, DC, USA
(10) Fabio Cian - The World Bank, Washington, DC, USA
(11) Jean-Philippe Naulin - Département R&D Modélisation, CCR
(12) Roxane Marchal - Département R&D Modélisation, CCR
(13) Thomas Onfroy - Département R&D Modélisation, CCR
(14) David Moncoulon - Département R&D Modélisation, CCR
INTRODUCTION
Le territoire marocain est particulièrement exposé aux risques de séisme et d’inondation. Dans ce contexte, le Royaume du Maroc a mis en place, avec l’appui de la Banque mondiale (BM), un système dual de couverture contre ces aléas, mobilisant d’une part les capitaux privés pour développer le marché de l’assurance privée, complété par un mécanisme de solidarité indemnisant les populations vulnérables dans l’incapacité de s’assurer. Ce mécanisme de solidarité est porté par le Fonds de solidarité contre les évènements catastrophiques (FSEC), mis en place et opérationnel depuis 2020.
Étant donné son mandat, le FSEC doit s’appuyer sur une compréhension fine et granulaire du risque d’inondation et de sa répartition sur le territoire marocain. Un premier modèle de dommages inondation a été développé dans le cadre d’un appel d’offre lancé par la Banque mondiale en 2020, confié au consortium formé par Atmoterra, RWT et CCR. Depuis la livraison du modèle, les échanges continus entre les partenaires ont souligné la robustesse du module d’aléa, tout en mettant en exergue les limitations dues à un module d’exposition insuffisamment granulaire et à des courbes de vulnérabilité insuffisamment spécifiques au Maroc.
Un nouveau projet portant sur la mise à jour des données du bâti marocain a débuté en partenariat avec le FSEC (Fonds de solidarité contre les événements catastrophiques), l’Agence spatiale européenne (ESA), la Banque mondiale et CCR. Les travaux ont pour objectifs de mieux estimer l’exposition (ESA) et de développer des courbes de vulnérabilité spécifiques au Maroc (CCR). Ces améliorations permettront d’augmenter la fiabilité de l’évaluation des dommages dus aux inondations en vue du placement d’un outil de transfert du risque sur les marchés internationaux.
Cet article présente la méthode et les résultats portant sur la cartographie par télédétection des bâtiments à l’échelle nationale.
MÉTHODOLOGIE
Le modèle d’impact des inondations repose sur 3 modules. Un module d’aléa pour caractériser de manière physique les inondations, un module d’exposition pour identifier les types de biens ainsi que leur nature (particulier, professionnel, maison, appartement, etc.) et leur valeur. Un module de vulnérabilité établit le lien entre la nature et la valeur de l’entité exposée et le niveau de sévérité de chaque scénario d’aléa. La combinaison de ces trois modules dans le modèle d’impact permet d’estimer les montants de dommages associés.
Le modèle d’impact des inondations repose sur 3 modules. Un module d’aléa pour caractériser de manière physique les inondations, un module d’exposition pour identifier les types de biens ainsi que leur nature (particulier, professionnel, maison, appartement, etc.) et leur valeur. Un module de vulnérabilité établit le lien entre la nature et la valeur de l’entité exposée et le niveau de sévérité de chaque scénario d’aléa. La combinaison de ces trois modules dans le modèle d’impact permet d’estimer les montants de dommages associés. Module d’exposition Le module d’exposition permet de définir la répartition spatiale des différents types de bâti afin de distribuer de façon adéquate la valeur totale exposée estimée. Le module d’exposition développé initialement avait été construit à partir de multiples sources de données et notamment du recensement de 2014 effectué par le Haut-commissariat au Plan sur les ménages Marocain. Afin de localiser les ménages, une méthode de tirage aléatoire avait été mise en place pour déterminer la distribution spatiale du bâti. Cette méthode reposait sur les bâtiments Open Street Map ainsi que les données issues de traitement satellite qui identifiaient le nombre d’habitants à une certaine résolution.
Pour améliorer le module d’exposition et mieux comprendre la distribution spatiale des bâtiments au Maroc, l’ESA a mobilisé ses capacités innovantes d’observation de la Terre pour la cartographie de l’exposition dans le cadre du projet GDA Disaster Resilience[1]. Les images satellites Sentinel-1 et Sentinel-2 de l’ASE ont été analysées pour une évaluation spatiale granulaire des bâtiments exposés aux risques d’inondation. Une cartographie des types de bâtiments a été réalisée sur le secteur de Rabat-Salé-Kenitra sélectionné comme site d’étude. Les zones d’habitation délimitées au format shapefile visualisable sous SIG sont basées sur le réseau de rues OSM+Facebook et le produit World Settlement Footprint 2019[2]. Un ensemble d’échantillons collectés manuellement sur les typologies de bâtiments a servi de données d’entrée pour l’entraînement d’un algorithme d’apprentissage automatique Random Forest (RF) (Tableau 1). Sur la base du modèle RF résultant, l’ensemble du pays du Maroc a été classé selon la typologie de bâtiment suivante (Tableau 1) : villa, appartement, maison marocaine, zones rurales, établissements informels, maisons rurales et autres. Ces typologies et leur répartition spatiale seront utilisées pour distribuer adéquatement la valeur exposée du bâtiment dans l’espace.
Module de vulnérabilité
Le module de vulnérabilité permet de mieux comprendre les effets adverses des inondations sur le bâti exposé, en fonction de sa typologie et de la sévérité d’une inondation donnée. Le module de vulnérabilité utilisé dans la première étude lancée en 2020 mobilisait des courbes de vulnérabilité construites à dire d’expert et issues du modèle MnhPRA (Morocco Natural Hazards Probabilistic Risk Analysis), premier outil de modélisation multirisques déployé au Maroc. Afin d’enrichir et d’affiner le module de vulnérabilité et l’adapter aux spécificités des constructions du Maroc, CCR développera une approche empirique statistique pour calibrer de nouvelles courbes de vulnérabilité sur la base de données à collecter. Les résultats de cette collecte permettront de recalibrer des courbes de dommages spécifiques à chaque type de risque et pertinentes pour le territoire marocain et les besoins du FSEC. Une attention particulière sera portée au seuil de dommages à partir duquel un bien devient inhabitable. En effet, le régime du Fonds de solidarité aux victimes des inondations indemnise à l’heure actuelle les victimes dont la résidence principale devient inhabitable. Ce seuil est donc important pour ne pas prendre en compte les multiples habitations qui peuvent être légèrement endommagées par une inondation.
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Tableau 1 – Typologie des bâtiments retenue pour le modèle de dommages inondation
Figure 1 – Exemple de résultat des travaux de télédétection sur une zone urbaine et la classification correspondante
RÉSULTATS
Le produit de classification des bâtiments permet de connaître la typologie des établissements sur la base d’une exigence personnalisée, en considérant des classes très spécifiques telles que les maisons marocaines (Figure 1). Ce nouveau développement basé sur l’observation de la Terre démontre, une fois de plus, l’énorme potentiel des données acquises par les satellites, qui permettent de cartographier de manière rapide, synoptique et peu coûteuse les typologies de bâtiments à l’échelle d’un pays et, par conséquent, d’estimer non seulement la valeur financière de chaque bien mais aussi la vulnérabilité aux risques naturels. Le produit est destiné à devenir un outil efficace pour soutenir l’allocation de fonds de récupération rapide dans le cas d’inondations, où les coûts varient en fonction de la typologie spécifique des bâtiments touchés par l’événement donné. La précision de la classification finale peut varier en fonction de la quantité, de la distribution spatiale et de la fiabilité des informations de référence pour les différentes classes ciblées. De plus, les performances pourraient être partiellement affectées par les différentes résolutions spatiales et l’horodatage des différents ensembles de données utilisés. Ces résultats seront utilisés dans le cadre du calibrage de courbes de dommages spécifiques à chaque type de risque et répondant aux besoins du FSEC. Une attention sera portée au seuil de dommages à partir duquel un bâtiment devient inhabitable, qui est un élément central du régime marocain d’indemnisation des inondations.
CONCLUSION
La modélisation précise des dommages est un élément clé pour identifier les montants en jeu dans le processus d’indemnisation, pour les anticiper de manière adéquate et pour réduire les coûts de placement de la réassurance. Plus généralement, les travaux présentés dans cet article contribueront à améliorer cette chaîne de modélisation, dans la dynamique du processus d’amélioration continue, initié dès les premiers travaux de modélisation. D’autres perspectives d’amélioration pourront être envisagées ultérieurement, comme l’amélioration de la simulation de l’aléa grâce à l’apport d’un modèle numérique de terrain (MNT) plus détaillé, la prise en compte du ruissellement et l’incorporation d’infrastructures de réduction du risque (digues, barrages, etc.). La conception de courbes de vulnérabilité sur mesure pour le Maroc pourrait également bénéficier d’une approche d’ingénierie structurelle, complémentaire à l’approche statistique présentée dans cet article./
LES PARTENAIRES
Dans la continuité du projet financé en 2020 par la Banque mondiale, CCR et le FSEC souhaitent poursuivre leur collaboration sur le long terme pour le développement du modèle Cat. L’intégration de ces différents partenaires participe à l’amélioration des données et des outils utilisés dans le modèle.
RÉFÉRENCES
1. GDA Disaster Resilience, https://gda.esa.int/thematic-area/ disaster-resilience/
2. German Aerospace Center (DLR) World Settlement Footprint & Evolution, https://geecommunity-catalog.org/projects/ wsf/
CITATION
Esch et al., Amélioration de la connaissance de l’exposition et de la vulnérabilité aux inondations du bâti au Maroc. In Rapport Scientifique CCR 2022 ; CCR, Paris, France, 2022, pp. 64-67