Comprendre le phénomène de retrait-gonflement des argiles par le biais d’un indicateur agrégé à la commune : la magnitude des sécheresses
(1) Sophie Barthelemy - CNRM, Université de Toulouse, Météo-France, CNRS, Toulouse, France
(2) Bertrand Bonan - CNRM, Université de Toulouse, Météo-France, CNRS, Toulouse, France
(3) Gilles Grandjean - Bureau de recherches géologiques et minières
(4) David Moncoulon - Département R&D Modélisation, CCR
(5) Jean-Christophe Calvet - CNRM, Université de Toulouse, Météo-France, CNRS, Toulouse, France
INTRODUCTION
Le phénomène de retrait-gonflement des argiles est le second péril le plus coûteux à charge du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, avec plus de 15 milliards d’euros d’indemnisations depuis 1989[1]. Comme l’illustre déjà la sécheresse de l’année 2022 en France, une augmentation de ces coûts est attendue sous l’effet du changement climatique, en raison de l’amplification des cycles annuels de sécheresseréhydratation des sols[2].
C’est dans ce contexte qu’une thèse de doctorat a été initiée en 2021, cofinancée par Météo-France, le BRGM et CCR. L’objectif est de développer de nouveaux outils d’estimation de la sinistralité liée au phénomène de sécheresse géotechnique en s’appuyant sur les ressources des différents partenaires. Seront exploités au cours des trois ans les modèles de surface développés par Météo-France, les modèles et les données géotechniques du BRGM, ainsi qu’une base de données de sinistralité nationale constituée par CCR.
Dans un premier volet de la thèse, le lien entre sécheresse et sinistralité est appréhendé à l’échelle communale. Un indicateur, la magnitude, est construit à partir de chroniques d’humidité du sol à plusieurs profondeurs produites par le modèle ISBA[3,4] développé par Météo-France. L’humidité du sol est simulée à une résolution spatiale de 8 km. L’objectif est d’extraire une information annuelle de sécheresse, qui est directement comparable via un calcul de corrélation de rang[5] à des données de sinistralité agrégées par année et par commune. Ces données sont fournies par CCR.
La magnitude est obtenue par calcul de l’intégrale annuelle de l’indice d’humidité du sol (SWI)[6] sous une certaine valeur seuil associée à une fréquence de sécheresse. Le manque de connaissance sur la minéralogie et le contenu en eau des sols à l’échelle de la parcelle restant à ce jour un verrou scientifique, une approche statistique est adoptée. La magnitude est calculée pour différentes valeurs seuil de SWI, correspondant aux centiles de la distribution statistique des SWI journaliers. Pour varier les situations, différentes versions du modèle ISBA sont utilisées, et plusieurs profondeurs de la couche de sol sont considérées. Les résultats du calcul de corrélation de rang révèlent la configuration optimale du calcul de la magnitude.
La méthode a été appliquée séparément à cinq ensembles de quatre communes, situées dans des contextes climatiques et géologiques différents. Les premiers résultats montrent que la meilleure corrélation avec la sinistralité est obtenue lorsque l’on considère l’humidité de la couche de sol située entre 1,5 m et 2,0 m de profondeur, en utilisant des valeurs basses de seuil de SWI. Les couches de sol plus superficielles présentent une variabilité temporelle plus marquée, davantage liée aux variations météorologiques rapides.
Une fois la configuration optimale établie, une classification[7] des magnitudes permet de fournir des estimations du taux de sinistralité. À ce stade, la méthode ne permet pas de caractériser plus finement la sinistralité en fonction du type de bâti ou de l’âge des constructions. L’impact de la classe d’exposition au phénomène de retrait-gonflement sera évalué dans une prochaine étape. La magnitude couplée à des scénarios climatiques futurs permettra d’analyser l’effet du changement climatique sur la sinistralité occasionnée par les sécheresses géotechniques. Ces projections utiles à l’assurance seront également utilisées en appui au régime Cat Nat./
# sécheresse
# retrait-gonflement des argiles (RGA)
# modèle de surface ISBA
# sinistralité
Figure 1 – Méthode de calcul de l’indicateur de sécheresse magnitude à partir du modèle ISBA, et détermination de sa configuration optimale
LES PARTENAIRES
La thèse est co-encadrée par le CNRM, le BRGM et CCR. Le CNRM (Centre national de recherches météorologiques) est une unité mixte de recherche (UMR 3589) constituée par Météo-France et le CNRS. La modélisation des surfaces continentales, ainsi que l’étude des dynamiques du climat font partie de son champ d’expertise. Le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières), service géologique national, est l’établissement public de référence pour gérer les risques du sol dans une perspective de développement durable.
RÉFÉRENCES
1. CCR. Les catastrophes naturelles en France, bilan 1982-2020. (2020).
2. Gourdier, S. & Plat, E. Impact du changement climatique sur la sinistralité due au retrait-gonflement des argiles. in Journées Nationales de Géotechnique et Géologie de l’Ingénieur (JNGG) (2018).
3. Noilhan, J. & Mahfouf, J. F. The ISBA land surface parameterisation scheme. Glob. Planet. Change 13, 145–159 (1996).
4. Boone, A., Masson, V., Meyers, T. & Noilhan, J. The influence of the inclusion of soil freezing on simulations by a soil-vegetation-atmosphere transfer scheme. J. Appl. Meteorol. 39, 1544–1569 (2000).
5. Kendall, M. G. Rank Correlation Methods. (Griffin London, 1970). 6. ECMWF. Soil wetness index calculation - Copernicus Services - ECMWF Confluence Wiki. https://confluence. ecmwf.int/display/COPSRV/ Soil+wetness+index+calculation (2021). 7. Kapsambelis, D., Moncoulon, D. & Cordier, J. An innovative damage model for crop insurance, combining two hazards into a single climatic index. Climate 7, (2019)
CITATION
Barthelemy et al., Comprendre le phénomène de retraitgonflement des argiles par le biais d’un indicateur agrégé à la commune : la magnitude des sécheresses. In Rapport Scientifique CCR 2022 ; CCR, Paris, France, 2022, pp. 20-22